Les entorses, c’est le cauchemar de nombreux basketteurs, qu’ils soient amateurs ou professionnels. À quel point sont-elles fréquentes ? Comment bien réagir quand elles surviennent et, surtout, comment les éviter ?
Pour répondre à toutes ces questions, nous avons rencontré Romain Chambellant, kinésithérapeute au centre de formation de l’ASVEL, l’un des clubs les plus prestigieux du basketball français. Avec son expertise, il nous partage ses conseils précieux pour prendre soin de ses chevilles et revenir sur le terrain dans les meilleures conditions.

Introduction
Pouvez-vous nous expliquer brièvement votre parcours et votre rôle au sein de l'ASVEL ?
Je viens du monde du basket, un sport que j’ai beaucoup pratiqué dans ma jeunesse. Très tôt, j’ai su que je voulais devenir kinésithérapeute dans le milieu sportif. J’ai suivi mes études de kiné pendant quatre ans à Dijon, après une première année de médecine. Durant ma formation, j’ai eu l’opportunité de travailler pour plusieurs clubs prestigieux, notamment JDA Dijon, Élan Chalon, puis l’ASVEL.
Une fois diplômé, j’ai intégré la Fédération française de basketball, où j’ai travaillé avec les équipes de France jeunes et la discipline du basket 3x3. Depuis deux saisons, je collabore également avec le centre de formation masculin de l’ASVEL. Mon rôle consiste à accompagner l’équipe Espoir pour leurs matchs à domicile et à assurer le suivi des joueurs du centre de formation, qu’ils soient en catégorie Espoir ou U18. Ce suivi se fait au cabinet, où je travaille aux côtés de trois collègues.
Quels sont les types d’entorses les plus fréquents dans le basketball ?
Les entorses les plus courantes sont les entorses externes de cheville. Elles surviennent généralement lors de réceptions de saut, souvent après un contact en l’air ou en marchant sur le pied d’un autre joueur.
Sur la gestion des entorses de cheville
Quels sont les premiers gestes à adopter lorsqu’un joueur se fait une entorse sur le terrain ?
En kinésithérapie, nous nous appuyons sur le protocole P.E.A.C.E. pour gérer les entorses de cheville en phase aiguë :
- P pour Protection : Il s’agit de protéger le joueur et de le mettre en sécurité afin de ne pas aggraver la blessure.
- E pour Élévation : On place la cheville en position surélevée pour faciliter le drainage et limiter l’apparition d’un œdème.
- A pour Avoid (Éviter) : Nous déconseillons la prise d’anti-inflammatoires, car l’inflammation joue un rôle bénéfique dans la cicatrisation ligamentaire.
- C pour Compression : Un strapping compressif est appliqué pour limiter l’œdème.
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E pour Éducation : Une fois le match terminé, nous expliquons au joueur les étapes à suivre dans les heures et jours qui suivent.
Quel rôle jouent les techniques comme la cryothérapie ou la compression dans la récupération ?
La compression est essentielle dans la prise en charge des entorses, car elle aide à limiter l’œdème. Cela favorise un retour au sport plus rapide et réduit le risque de complications.
En revanche, la cryothérapie suscite plus de débats. Bien qu’elle diminue l’inflammation, elle peut aussi ralentir le processus de cicatrisation. Nous ne l’utilisons donc pas systématiquement en première intention. Son principal intérêt réside dans son effet antalgique : elle aide à réduire la douleur, ce qui peut être apprécié par certains joueurs. C’est une pratique ancrée dans les habitudes du sport de haut niveau.
Combien de temps faut-il généralement pour reprendre une activité sportive ?
La durée de récupération dépend de la gravité et du type d’entorse. Pour une entorse latérale bénigne, un joueur peut souvent reprendre en une à deux semaines. Pour une entorse de gravité modérée, je recommande généralement une période de quatre à six semaines. Ce laps de temps permet une cicatrisation optimale et une rééducation suffisante, réduisant ainsi le risque de récidive. Enfin, pour des entorses plus complexes – bien qu’elles soient rares – la convalescence peut durer deux à trois mois.
La durée de récupération dépend de la gravité et du type d’entorse, ça peut aller de une semaine pour une entorse bénigne à trois mois pour une entorse plus grave.
Quels sont les signes qui montrent qu’un joueur peut envisager de reprendre le sport après une entorse ?
Le principal indicateur reste la douleur : si elle persiste, la reprise n’est pas envisageable. Nous utilisons également des tests fonctionnels spécifiques, comme l’Ankle-GO Test, pour évaluer l’état de la cheville. Ces tests mesurent des critères tels que la mobilité, la force, et la proprioception (l’équilibre). Nous utilisons également des outils comme des dynamomètres pour évaluer la force des muscles protecteurs de la cheville. Cela nous permet de garantir que l’articulation est prête pour une reprise en toute sécurité.
Rôle de la rééducation et des orthèses
Quels types d’exercices ou de thérapies recommandez-vous pour renforcer une articulation après une entorse ?
Une entorse de cheville peut entraîner des conséquences variées : perte de force, diminution de la mobilité, ou encore troubles de la proprioception. L’objectif est d’identifier les faiblesses spécifiques de chaque joueur pour les corriger.
Les exercices incluent souvent :
- Des mobilisations de la cheville, notamment en flexion dorsale.
- Du renforcement musculaire ciblé.
- Des exercices de proprioception (travail de l’équilibre).
- Des mouvements fonctionnels comme des sauts ou des exercices d’appui.
Le programme est progressif et adapté aux besoins du joueur pour éviter toute récidive.
Dans quels cas recommandez-vous l’utilisation d’une orthèse aux joueurs ?
Les orthèses sont particulièrement utiles en phase aiguë, généralement pendant la première semaine, pour protéger l’articulation et permettre une cicatrisation optimale. Lors de la reprise sportive, nous préconisons parfois des orthèses souples, notamment pour les joueurs qui ne peuvent pas bénéficier d’un strapping réalisé par un professionnel de santé.
Quels types d’exercices spécifiques proposez-vous aux joueurs pour renforcer les muscles stabilisateurs autour des articulations ?
Je recommande plutôt de faire des exercices avec des charges : haltères, poulies, ou poids libres. Les élastiques sont également efficaces, notamment pour travailler les muscles inverseurs et éverseurs de la cheville.
Prévention et sensibilisation
Quels sont les bons réflexes à adopter pour réduire le risque d’entorse à l’entrainement ou en match ?
La prévention passe avant tout par une bonne récupération :
- Le sommeil, car il impacte directement la forme musculaire.
- L’hydratation et l’alimentation, qui jouent un rôle clé dans la prévention des blessures.
- Les exercices de renforcement et de proprioception, ainsi que la pliométrie, qui permettent de renforcer les muscles protecteurs de la cheville.
Que conseilleriez-vous aux sportifs pour éviter une récidive après une première entorse ?
Il est crucial de prendre chaque entorse au sérieux. Une entorse mal soignée peut entraîner un cercle vicieux de blessures répétées et de déficits fonctionnels. Je conseille toujours de consulter un médecin spécialisé en sport et de suivre une rééducation encadrée par un kiné.
Il est crucial de prendre chaque entorse au sérieux pour ne pas tomber dans un cercle vicieux !
Quel message aimeriez-vous adresser à tous ceux qui traversent une blessure et qui se sentent découragés dans leur reprise du sport ?
Ne soyez pas fatalistes ! Une blessure est un moment difficile, mais elle fait partie intégrante de la vie d’un athlète. Entourez-vous de professionnels de santé compétents et échangez avec d’autres joueurs ayant traversé des expériences similaires. Ces échanges peuvent vous motiver et vous aider à revenir encore plus fort.

Un grand merci à Romain Chambellant pour ses conseils précieux et son partage d’expérience. Avec ces bonnes pratiques, vous êtes mieux armé pour prévenir et gérer les entorses. À vous de jouer !
N'oubliez pas l'importance de consulter un professionnel de santé pour une reprise d’activité en toute sécurité et un suivi adapté, ou en cas de diagnostic incertain.
Crédits Photo : @Romain Chambellant / FFBB / ASVEL